Immobilier - Location : que mettre en œuvre face à un impayé de loyer ?
Publié par LAURENT DUKAN
le 27/10/2021
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Immobilier
Le paiement du loyer et des charges constitue l'obligation principale du locataire. Or, les impayés de loyer constituent la principale source d'inquiétude pour un bailleur, notamment s'il a besoin de ce revenu pour rembourser un prêt immobilier. Si un propriétaire est confronté à un occupant de mauvaise foi, il peut demeurer de longs mois sans loyers. Il est donc important de ne pas laisser la situation s'aggraver et de réagir dès le premier impayé. Plusieurs voies s'offrent au bailleur : faire jouer la caution, actionner l'assurance loyers impayés, faire saisir les biens du locataire ou encore utiliser la procédure d'injonction de payer.
Agir dès le premier impayé
Si le locataire n'a pas payé son loyer à la date normale, le bailleur n'a pas forcément intérêt à se précipiter chez un huissier ou chez un avocat. Inutile de risquer de braquer un locataire négligent mais bon payeur par ailleurs, en lui adressant d'emblée une mise en demeure émanant d'un homme de loi. D'autant plus que s'il s'acquitte spontanément de sa dette à la suite de cette intervention, les frais engagés resteront à la charge du bailleur.
Les premières mesures amiables
Souvent, un appel téléphonique, voire une simple lettre, suffit à rappeler une personne de bonne foi à ses obligations locatives. Si le bailleur a demandé l'engagement d'une caution, il peut aussi lui adresser un courrier pour l'informer du retard de paiement du locataire et lui rappeler ses obligations.
Si le locataire persiste dans son refus de régulariser sa situation, l'envoi d'un courrier recommandé le mettant en demeure de régler son loyer, sous huit jours par exemple, s'impose. Cette mise en demeure devra préciser qu'en l'absence de règlement, le dossier sera transmis à un huissier de justice.
La mise en place d'un plan d'apurement
Si le locataire fait état de simples difficultés financières momentanées, le propriétaire peut lui proposer un plan d'apurement de sa dette. Il s'agit d'un document signé par le locataire, dans lequel il s'engage à s'acquitter de sa dette locative en plusieurs mois par exemple, tout en réglant les échéances normales de son loyer.
Cette démarche est d'ailleurs nécessaire lorsque le locataire perçoit directement une aide au logement (allocation ou aide personnalisée au logement). En effet, s'il n'a pas réglé son loyer depuis deux mois (consécutifs ou non) ou que l'impayé atteint au moins deux mois de loyers et de charges, le bailleur peut obtenir de la Caisse d'allocations familiales (CAF) que l'aide lui soit versée directement pendant six mois. En contrepartie de ce versement direct, propriétaire et locataire s'engagent à présenter un plan d'apurement de la dette. En l'absence d'accord, le versement des allocations sera suspendu.
Notez que, si le bailleur perçoit déjà directement l'allocation, il a l'obligation de signaler aux caisses d'allocations familiales ou de la mutualité sociale agricole (MSA) tout impayé par le locataire de la part restant à sa charge (art. L. 824-1 du Code de la construction et de l'habitation).
De son côté, le locataire qui ne peut pas faire face à ses dettes peut saisir le fonds de solidarité logement (FSL) de son département pour obtenir une aide.
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Mettre en œuvre la caution
La caution est une personne, généralement un parent du locataire, qui s'engage, lors de la signature du contrat de location, à payer les sommes dues par ce dernier s'il venait à manquer à ses obligations. En cas d'impayé, le bailleur peut donc s'adresser à cette personne pour récupérer son dû.
Caution simple ou caution solidaire
Lorsque la caution est « simple » (non solidaire), le bailleur doit poursuivre d'abord le locataire avant de pouvoir s'adresser à la caution. En revanche, si la caution est « solidaire », ce qui est généralement le cas, le bailleur peut agir directement contre elle. Lorsque plusieurs personnes se sont portées caution solidaire (des parents pour garantir leurs enfants, des étudiants en colocation, par exemple), le propriétaire peut poursuivre n'importe laquelle des cautions et lui réclamer la totalité des sommes dues par le (ou les) locataire(s) défaillant(s). La caution qui a réglé la dette d'un locataire peut ensuite se retourner contre lui, s'il est solvable, ou contre les autres cautions.
En cas de décès de la caution, son engagement passe à ses héritiers (art. 2294 du Code civil). Toutefois, ces derniers ne sont tenus que pour les dettes existant au jour du décès, non pour celles qui lui sont postérieures.
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La procédure à suivre
Pour faire jouer la caution, le bailleur doit d'abord lui demander d'honorer son engagement. Mieux vaut envoyer une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception (mais il est aussi possible de lui transmettre par huissier). Dans ce courrier, il faut lui demander de régler l'impayé dans un délai déterminé, par exemple sous quinze jours.
Si la caution rembourse intégralement la dette du locataire, les choses en restent là. Si la caution refuse de régler la dette, le propriétaire est contraint de la poursuivre devant le tribunal judiciaire (dès lors, bien entendu, qu'il n'a pas pu contraindre, par ailleurs, le locataire à régler sa dette). Pour cela, le propriétaire peut utiliser la procédure d'injonction de payer, par exemple. Dans une telle situation, toutefois, il a souvent intérêt à demander également la résiliation du bail en justice, en faisant jouer la clause résolutoire. Attention, l'huissier de justice doit aussi notifier le commandement de payer à la caution, dans les quinze jours. Il ne faut donc pas omettre de renseigner l'huissier sur l'existence de la caution.
Si la situation financière de la caution ne lui permet pas de faire face à son engagement, elle a le droit de demander des délais de paiement. Ceux-ci peuvent s'étaler sur trois ans (d'où l'intérêt pour le bailleur de bien vérifier la solvabilité de la caution au départ). Par ailleurs, la caution dispose des mêmes moyens de défense que le locataire : elle peut contester la légalité d'une hausse du loyer ou des charges si elle n'est pas justifiée, ou invoquer le délai de prescription de trois ans.
Faire jouer l'assurance loyers impayés
Pour se prémunir contre les impayés de loyers, le bailleur peut souscrire, auprès d'une compagnie d'assurances ou d'une banque, une garantie des loyers impayés (GLI). Les assurances comprennent presque toujours, dans leurs garanties de base, la couverture des loyers impayés au sens strict, celle des frais de procédure, des dégradations immobilières et une protection juridique.
Il faut respecter la procédure à la lettre
En cas d'impayé, il faut respecter scrupuleusement la procédure d'indemnisation prévue au contrat d'assurance, au risque que l'indemnisation soit revue à la baisse, ou que l'assureur refuse de faire jouer la garantie. En principe, les contrats d'assurance prévoient l'envoi d'une lettre de rappel au locataire dans un délai de « x » jours suivant le premier impayé, puis, en cas d'échec, l'envoi d'un courrier recommandé le mettant en demeure de s'acquitter de son loyer.
Le contrat peut aussi prévoir le recours à un huissier de justice, qui adressera un commandement de payer si le locataire refuse toujours de s'acquitter de son loyer. L'assuré (le bailleur) doit déclarer le sinistre à son assureur afin d'être indemnisé.
L'indemnisation n'est pas immédiate
Elle interviendra le plus souvent à partir du quatrième mois suivant celui du premier terme impayé. Toutefois, la garantie est rétroactive, elle prendra en compte les impayés dès le premier mois. L'indemnisation sera ensuite versée trimestriellement, le plus souvent. Un bon contrat d'assurance doit prendre en charge les frais de procédure amiable ou judiciaire (de 2 500 € à 4 000 €) engagés contre le locataire ou sa caution. Certains contrats couvrent aussi d'office les frais de réparations des dégradations commises par le locataire (en cas de procédure pour impayés ou non), d'autres ne les garantissent qu'en option. Il est alors conseillé de souscrire cette option. Les montants versés sont plafonnés à une somme ou à un nombre de loyers avec, parfois, la déduction d'une franchise. Les meilleurs contrats assurent aussi la perte de loyers durant la remise en état du logement, pendant quatre mois au maximum.
Faire saisir les biens du locataire
Avant d'entamer une action en paiement proprement dite, le bailleur peut faire procéder à une saisie conservatoire (c'est-à-dire provisoire) des biens de son locataire pour l'empêcher d'organiser son insolvabilité. Il faut ensuite obtenir une décision de justice devant le tribunal judiciaire. Le but étant de faire condamner le locataire afin de pouvoir saisir réellement ses biens (mobilier, véhicule, compte bancaire, salaire). Il n'est pas possible de pratiquer sans autorisation judiciaire une mesure conservatoire à l'encontre de la personne qui s'est portée caution du locataire.
La saisie conservatoire sur les meubles
Le bailleur peut solliciter un huissier de justice pour qu'il effectue une saisie conservatoire des meubles du locataire. L'huissier se rend à son domicile et procède à l'inventaire des meubles se trouvant dans le logement. Une fois la saisie conservatoire effectuée, le locataire ne peut plus vendre ni déménager ses meubles. S'il cède ou dissimule son mobilier, il encourt jusqu'à trois ans de prison et 375 000 € d'amende (art. 314-6 du Code pénal). Mais cette procédure est longue et, souvent, les biens saisis ne permettent pas au bailleur de récupérer les sommes dues par le locataire.
La saisie conservatoire des comptes bancaires
Il est préférable de recourir à la saisie conservatoire des comptes bancaires du locataire, une procédure plus rapide et plus efficace. L'huissier interroge la banque du locataire, qui doit lui indiquer si elle détient des fonds appartenant à celui-ci. La saisie entraîne le blocage du compte bancaire à hauteur de la dette locative demandée. Ainsi, si le locataire doit 1 000 € et qu'il dispose de 1 500 € sur son compte, seule la somme de 1 000 € sera bloquée.
Faire exécuter la saisie conservatoire
Si, malgré les mesures conservatoires, le locataire ne s'est toujours pas acquitté de sa dette, il faut engager une action en paiement auprès du tribunal judiciaire. Cette action doit être mise en œuvre dans un délai d'un mois à compter de la saisie. La décision de justice obtenue permet au bailleur de se faire payer : la saisie conservatoire devient « exécutoire ». Cela signifie que le bailleur peut réellement saisir les comptes bancaires ou les meubles du locataire. L'huissier qui a réalisé les mesures conservatoires procède à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution si un compte bancaire a été bloqué, ou en saisie-vente si la saisie conservatoire a porté sur les meubles du locataire (il peut alors emporter le mobilier du locataire et le mettre en vente).
Pour éviter de multiplier les actions judiciaires et les frais, il est conseillé de recourir à la saisie conservatoire un mois après la délivrance d'un commandement de payer (par huissier) dans lequel il est fait référence à la clause résolutoire. Ainsi, le bailleur pourra, dans une même action, demander l'expulsion du locataire et la validation de la saisie conservatoire. À défaut, il devrait engager deux procédures.
La procédure d'injonction de payer
L'injonction de payer est une procédure rapide et facile à mettre en œuvre pour le recouvrement d'un loyer. Pour l'appliquer, il suffit au bailleur de déposer une requête au greffe du tribunal judiciaire du domicile de son locataire, au moyen du formulaire Cerfa n° 16040*01. Ce document doit être accompagné des justificatifs qui permettront au tribunal de trancher (copie du bail, de la mise en demeure adressée au locataire, etc.). Si le juge estime la requête justifiée, il rend une ordonnance d'injonction de payer. Le bailleur a alors six mois pour signifier cette ordonnance au locataire, par l'intermédiaire d'un huissier. À compter du jour où il en a pris connaissance, le débiteur a un mois pour régler sa dette ou s'opposer à la décision auprès du greffe du tribunal. S'il fait opposition, la procédure sort du cadre de l'injonction de payer et suit un parcours judiciaire classique (convocation des parties…). Si le locataire ne fait pas opposition mais ne règle pas sa dette dans le délai d'un mois, la demande est considérée comme justifiée. Le tribunal judiciaire lui renvoie alors l'ordonnance sur laquelle figure une « formule exécutoire ». L'ordonnance acquiert alors la même valeur qu'un jugement. Le bailleur peut ensuite se faire payer en saisissant les meubles, les salaires ou les comptes bancaires du locataire, en s'adressant à un huissier. Si une saisie conservatoire a été pratiquée, elle est transformée en saisie exécutoire.
En pratique, cette procédure n'est à utiliser que si le bailleur souhaite récupérer un arriéré locatif sans expulser le locataire (ce qui est rare). En effet, elle ne permet pas de demander au tribunal l'expulsion du locataire. C'est pourquoi les bailleurs, souhaitant avant tout récupérer leur logement, utilisent peu l'injonction de payer, d'autant plus que le locataire sera souvent insolvable. Si le montant des impayés n'excède pas 5 000 €, le bailleur peut recourir à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances. Cette procédure, facultative, est rapide (un mois), peu coûteuse, et offre au bailleur un titre exécutoire (jugement) sans recourir au juge. Le bailleur doit saisir un huissier de justice de façon classique ou en passant par la plateforme de recouvrement des huissiers (credicys.fr).
Demander la résiliation du bail
Quand le locataire ne paye plus son loyer, le bailleur n'a pas d'autre choix que de demander son expulsion. Le bail contient, en principe, une clause résolutoire prévoyant qu'en cas d'impayé, le contrat sera automatiquement résilié si le locataire ne règle pas sa dette dans les deux mois qui suivent un commandement de payer adressé par huissier. L'expulsion devient alors possible. La procédure s'effectue en trois temps : envoi d'un commandement de payer au locataire, assignation en justice, puis expulsion. En pratique, cette procédure est très longue, deux ans au minimum. D'où l'intérêt de souscrire une assurance contre les loyers impayés couvrant les frais de procédure et les indemnités d'occupation, si le locataire reste dans les lieux. Faute d'assurance, le bailleur peut accompagner la demande de résiliation du bail d'une action en paiement.
Faire jouer la clause résolutoire
Pour faire jouer la clause résolutoire contenue dans le bail, le bailleur doit s'adresser à un huissier exerçant dans le ressort territorial du logement loué. L'huissier délivre un commandement de payer au locataire, lui enjoignant de régler la totalité de sa dette dans un délai de deux mois. Si le paiement du loyer est garanti par une caution, le commandement de payer doit aussi lui être signifié dans les quinze jours.
Un arrêté préfectoral fixe le montant et l'ancienneté de la dette au-delà desquels le commandement de payer doit être signalé par l'huissier à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX ; art. 24-I de la loi de 1989). Cette obligation s'applique aux bailleurs personnes physiques et aux sociétés civiles familiales (entre parents jusqu'au quatrième degré). Le signalement doit être effectué dès lors que l'un des deux seuils est atteint.
À la réception du commandement, le locataire, qui a deux mois pour régler sa dette, peut la contester devant le tribunal judiciaire ou demander des délais de paiement au tribunal, même après l'expiration du délai de deux mois. Si, au terme de ce laps de temps, il n'a toujours pas réglé sa dette ou ne l'a réglée qu'en partie et s'il ne sollicite pas de délai de paiement, le bailleur peut saisir le tribunal judiciaire pour faire constater la résiliation du bail.
L'assignation en justice
Si le locataire n'a pas réglé sa dette dans les deux mois qui suivent le commandement de payer ni obtenu de délais de paiement, le bailleur peut le faire convoquer devant le tribunal judiciaire. Le tribunal constatera alors la résiliation du bail et prononcera l'expulsion. L'assignation (c'est-à-dire la convocation) délivrée par l'huissier au locataire pour l'appeler à comparaître devant le juge doit être notifiée au préfet, deux mois au moins avant l'audience. Lors de l'audience, le juge contrôle que le préfet a été informé. Il s'assure que le commandement de payer a bien été délivré au locataire, lui laissant deux mois pour régulariser, et que le bail contient bien une clause résolutoire. Lors de l'audience, le juge peut encore accorder des délais au locataire, pour une durée de trois ans maximum. Dans ce cas, le jeu de la clause résolutoire est suspendu. Ici encore, si le locataire paie normalement son loyer et s'acquitte de son arriéré selon les modalités fixées par le juge, le bail n'est pas résilié. Mais si le juge n'accorde pas de délais au locataire et s'il constate que la clause résolutoire peut jouer, il prononce la résiliation du bail et ordonne l'expulsion. La décision, une fois rendue, doit être signifiée par huissier au locataire. Si ce dernier quitte le logement de son plein gré, le dossier est clos. Le bailleur peut cependant poursuivre le recouvrement de l'arriéré par une saisie, s'il a également lancé une action en paiement et obtenu un titre exécutoire. Mais si le locataire se maintient dans les lieux, une procédure d'expulsion doit être entreprise.